Dimanche
30
oct 2016
Jamet le dimanche ! - Les revenants
C’était
jeudi soir à Marseille, lors du meeting électoral de Nicolas Sarkozy.
Comme l’ancien chef de l’Etat, après avoir stigmatisé avec une
virulence exceptionnelle les « compromissions » et les trahisons de
François Bayrou, reprenait son souffle, de la foule en délire
montèrent des clameurs de colère et de haine : « Bayrou dégage ! »
-pourquoi pas ?- et « Bayrou saloperie ! » Bien loin de calmer l’ardeur
de ses supporters, l’orateur ravi les encourageait d’un sourire
complice. Il n’est que trop facile d’exciter les passions dans la
chaleur communicative d’une réunion publique, il est indigne de les
laisser se déchainer dès l’instant que l’on prétend aux plus hautes
fonctions et aux responsabilités qu’elles impliquent. Passons…
Le président du Modem, pour sa part, n’a pas laissé passer l’outrage .
Dans une lettre ouverte à Nicolas Sarkozy, réplique aussi cinglante que
bien argumentée du berger des Pyrénées à l’ermite du Cap Nègre, François
Bayrou pointe du doigt les incohérences, les contradictions, les
évolutions, les revirements, les virages serrés et les tête-à-queue d’un
homme qui n’a jamais eu de continuité que dans le changement, de
permanence que dans l’ambition, et dont les prises de position, les
fidélités successives, les variations politiques n’ont jamais été que le
reflet de ses intérêts du moment.
Le maire de Pau frappe fort mais juste lorsqu’il reproche à
l’ex-président de la République de mener une campagne violente, marquée
du sceau de l’intolérance, de l’excès, voire de l’hystérie, au risque de
dresser les Français les uns contre les autres. Nul ne saurait ignorer
en effet que Nicolas Sarkozy, avant de changer de pied ces jours
derniers, trop tard selon toute vraisemblance, avait bâti toute sa
stratégie sur le siphonnage des voix de l’extrême-droite, choix qui lui
avait réussi en 2007, qui avait failli le sauver de la défaite en 2012
et qui ne semble pas adapté à l’équation politique de 2017.
M. Sarkozy avait tout misé sur la supposée « droitisation » de la
France. Si droitisation il y a, où ses erreurs et ses échecs ne sont pas
pour rien, ce n’est pas à lui qu’elle profitera et, dans sa tentative
avortée de séduire l’électorat du Front national, il aura perdu sur sa
gauche sans gagner sur sa droite. Ce n’est pas sans raison qu’il voit
dans le ralliement du Centre et notamment de François Bayrou à Alain
Juppé l’une des causes de la défaite que tous les sondages lui
annoncent. De là qu’il lui arrive de plus en plus souvent de perdre des
nerfs qu’il a toujours eu fragiles, de là son approbation tacite des
huées et des sarcasmes qui ont ponctué l’autre soir sa philippique
contre M. Bayrou.
François Bayrou, quant à lui, a toujours excellé dans la critique mais
toujours échoué dans l’action. Ministre de l’Education nationale pendant
quatre ans –un record – il n’a ni associé son nom à aucune réforme ni
laissé aucun souvenir de son passage rue de Grenelle. Président de
l’UDF, il n’a pas su en éviter l’éclatement puis l’absorption par l’UMP.
Sous sa direction éclairée, le Modem est né, a grandi, a périclité,
puis a disparu du paysage. Trois fois candidat à la présidence de la
République et trois fois malheureux, il n’a pas su monnayer son capital
de voix en 2002, il ne l’a pas osé en 2007, il a succombé à la tentation
en 2012 sans être payé de retour et c’est en désespoir de cause qu’avec
d’autres naufragés du centrisme il a rattaché son fragile esquif à la
galère royale d’Alain Juppé. Aussi têtu que tortueux, franc comme un âne
qui recule, il ne doit le prestige qui lui reste qu’à la chance qu’il a
eue, depuis déjà une vingtaine d’années, de n’avoir jamais été
confronté aux écueils et aux tempêtes de la réalité. Ce vieux routier de
la politique la plus politicienne s’est peu à peu refait une réputation
de virginité, aussi étrange qu’usurpéé, au prétexte qu’il n’aurait
jamais consommé aucun de ses nombreux mariages.
En fait, et si vives que puissent être leurs querelles, il combat bien
dans la même catégorie que son féroce adversaire du jour et que son
ingrat obligé de la veille. Le point commun entre l’ancien président qui
voudrait tant le redevenir, le toujours président qui voudrait tant le
rester et le jamais président qui aurait tant voulu l’être est qu’ils
sont tous les trois des revenants que l’immense majorité de Français ne
veulent pas voir revenir. En dépit de l’apparente diversité de leurs
engagements et de leurs affiliations, ils sont tous les trois membres du
même grand parti : celui du passé.
Dominique Jamet
Vice-Président de Debout la France
Vice-Président de Debout la France