Dimanche
29
jan 2017
Jamet le dimanche ! Les jeux ne sont pas faits.
Dominique
Jamet, vice-président de Debout la France depuis 2012 mais également
journaliste depuis... toujours tient chaque semaine sur le site de
Debout la France une chronique où il commente très librement l'actualité
politique.
Comme des soldats montent au front, le cœur lourd
et la tête basse. Comme des moutons derrière le mauvais berger qui les
conduit à l’abattoir. Comme des garnements qui ont résolu de faire
l’école buissonnière. Disciplinés, résignés, mais démoralisés. Marchant
en troupeau sans chercher à savoir où on les mène. Ou bien décidés à
suivre les chemins écartés de l’abstention et invoquant pour se
justifier leur dégoût des sortants, leur rejet du « système », leur
désir d’en finir avec « la politique », comme si les sortants n’étaient
pas les premiers bénéficiaires de l’abstention, comme si l’histoire des
nations, comme si notre histoire s’était jamais écrite sur le bord des
étangs où l’on pêche à la ligne.
Ainsi les Français, il y a moins d’un
an, s’apprêtaient-ils à vivre ou plutôt à subir l’élection
présidentielle de 2017, sans enthousiasme, sans appétit, sans espoir,
tant cette élection semblait sans surprise, sans signification et sans
intérêt. Les cartes et les rôles n’étaient-ils pas déjà distribués, le
scénario écrit, l’issue connue ? Le podium était prêt sur lequel
monteraient les trois candidats arrivés en tête au premier tour et le
seul suspense résidait dans l’ordre des gagnants. Des représentants des
deux grands partis de gouvernement, lequel serait opposé au second tour
à la candidate du Front national ? Le point commun aux Républicains et
aux socialistes était que deux tiers des votants ne se retrouvaient ni
dans les uns ni dans les autres, mais en toute hypothèse la défaite de
Marine Le Pen, face à celui des deux qui resterait en lice, était
assurée, puisque deux tiers des votants ne voulaient toujours pas
d’elle. Donc, Hollande – ou Sarkozy – contre le Pen, comme il y a cinq
ans. ? Et Sarkozy –ou Hollande – de nouveau à l’Elysée, pour cinq ans ?
Exaltante perspective, en vérité.
Seulement voilà, rien ne s’est passé
comme convenu, rien ne s’est passé comme prévu, rien ne s’est passé et
rien ne se passe comme on nous l’avait annoncé, comme on voulait nous
l’imposer. A la chorégraphie classique, réglée d’avance par les
« grands partis » et les médias qui leur font escorte, s’est substitué
le plus radical, le plus inattendu, le plus débridé des chamboule-tout.
Successivement l’on a vu s’effondrer sous le tir des votants des
primaires, ou sous le choc de l’évidence, Nicolas Sarkozy, Alain Juppé,
François Hollande… Aujourd’hui même, au moment où ces lignes sont
écrites, la défaite de Manuel Valls dans la primaire made in Solferino
paraît certaine, et voici qu’à son tour François Fillon, colosse aux
pieds d’argile, semble trébucher sur l’avant-dernière marche de
l’escalator qui devait le mener au triomphe.
Comment expliquer, comment analyser
l’improbable série d’événements qui ont vu, à droite comme à gauche, des
outsiders déjouer les pronostics et balayer les favoris, quitte, à
peine promis au trône, à être balayés à leur tour ? Comment se fait-il
qu’à trois mois de l’échéance, la liste de ceux qui se présenteront en
définitive à l’élection présidentielle ne soit toujours pas fixée, pas
plus que les chances des uns et des autres ?
Il est d’ores et déjà possible de tirer
les enseignements de faits particuliers qui a priori pouvaient sembler
sans lien. Tout d’abord, être ou avoir été chef de l’Etat ou chef du
gouvernement, bien loin de constituer un avantage, est actuellement un
handicap. L’expérience invoquée par les uns ou les autres a laissé un
mauvais souvenir. Leur envie de remettre ça n’est de toute évidence pas
partagée par les votants. Avoir gouverné, donc avoir échoué, être issu
d’un des deux grands partis de gouvernement, ne confère aucune
légitimité, bien au contraire. Les sortants, réputés à juste titre
comptables et coupables de bilans désastreux équitablement partagés
entre gauche et droite ont discrédité la politique et se sont
discrédités eux-mêmes. Pour longtemps.
Deuxième leçon, tirée de l’actualité
récente, internationale et nationale. La Grèce a donné le signal,
lorsqu’elle a fait passer le Parti socialiste local, le PASOK,
indéboulonnable pilier de la vie politique locale, de 40% à 5% des
suffrages. Sur cette ruine, Syriza a assis son pouvoir. L’irruption de
Podemoset de Ciudadanos a profondément modifié le paysage politique
espagnol. La percée du Mouvement Cinq étoiles en Italie peut le conduire
au gouvernement d’ici la fin de l’année. La spectaculaire ascension
d’AfD remet en question l’équilibre cinquantenaire sur lequel reposaient
l’Allemagne et sa chancelière. Par-dessus tout, la victoire du Brexit
outre-Manche et celle de Donald Trump outre-Atlantique ont marqué
l’intensité de l’exaspération populaire contre les oligarchies les mieux
installées.
A la lumière même des bouleversements
dont ils ont été les auteurs, les peuples ont de nouveau compris la
force de l’arme fatale, de l’arme absolue que le suffrage universel met
entre leurs mains. Ils se sont réveillés, ils ont manifesté leur volonté
d’arracher aux élites dominantes et complices la maîtrise de leur
destin. Et notre peuple, ce vieux peuple français, si las, si
sceptique, si blasé, qu’on le croyait revenu de tout et dégoûté de
lui-même, paraît enfin décidé à tirer les conséquences des causes qui
ont fait son malheur.
Quoi que l’on pense de François Fillon –
qui n’est assurément pas le pire des hommes politiques français – et de
son programme – qui est le pire des programmes proposés aux électeurs
français – si, vainqueur annoncé il chancelle aujourd’hui avant même
l’entrée dans la dernière ligne droite de la compétition, c’est qu’il ne
répond pas aux quatre conditions désormais exigées
de tout candidat à la présidence de la République française : n’avoir
été associéd’aucune façon à la gestion de la France depuis vingt ans,
avoir pourtant prouvé sa compétence, être porteur d’une vision de
l’avenir dans un monde qui change, avoir toujours fait preuve d’une
probité exemplaire
Notre candidat coche ces quatre cases.
Et c’est pourquoi, au seuil de l’année nouvelle, il porte notre
espérance. Rien ne va plus, mais les jeux ne sont pas faits.
Dominique Jamet.