"Soyons fermes, purs et fidèles ; au bout de nos peines, il y a la plus grande gloire du monde, celle des hommes qui n'ont pas cédé." Charles de Gaulle.

mercredi 11 novembre 2015

INTERVIEW DU JOURNAL "LE PARVENU", JOURNAL DU CAMPUS EUROPEEN FRANCO ALLEMAND DE SCIENCES PO PARIS A NANCY.



Interview avec Jean-Luc Manoury

Dans le cadre des élections régionales de décembre, Le Parvenu donne la parole aux différentes tendances politiques représentées dans la nouvelle région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne. La quatrième rencontre a eu lieu le vendredi 16 octobre avec Jean-Luc Manoury, conseiller régional de Lorraine, fondateur du groupe dissident Front national "Je suis Lorrain", qui se présente en tant que chef de file de Meurthe-et-Moselle pour Debout la France.
Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la France, lors d'un discours le 5 octobre 2013 (photo: Flickr, Debout la France)
Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la France, lors d'un discours le 5 octobre 2013 (Photo: Flickr, Debout la France)
Publié le by Pierre Freisinger (author), Léo Clavurier (author)
Le Parvenu : Commençons par votre parcours personnel. Pouvez-vous nous éclairer sur ce que vous faites en dehors de la politique ?
Jean-Luc Manoury : J’ai 56 ans et je suis arrivé dans la région un peu par hasard. J’ai été militaire de carrière pendant 20 ans et, suite à la réussite au concours des emplois réservés [créés pour les « gueules cassées » après la Première Guerre mondiale, NDLR], je suis venu à Nancy. Deux propositions m’avaient été faites, d’une part le Doubs et d’autre part la Meurthe-et-Moselle, que j’ai choisie puisqu’elle me rapprochait le plus de ma Normandie natale.
Qu’en est-il de votre parcours et de votre engagement politiques ?
La vie est souvent faite de hasards. Mon père était socialiste, ami de Bérégovoy et de Laurent Fabius, qui est déjà venu manger chez moi. Si j’avais choisi la voie familiale, j’aurais dû être socialiste. Je suis devenu nationaliste par mes lectures, et, bien que tenu à l’obligation de réserve, j’ai adhéré au Front National avant de quitter l’institution militaire. Quand je suis arrivé ici, je n’ai rien demandé, mais on m’a très vite proposé d’être secrétaire départemental. Par la suite Marine Le Pen, qui voulait contrôler le Front National, m’a demandé d’être le représentant en Meurthe-et-Moselle et dans les Vosges de son association « Génération Le Pen ». Suite à cela, j’ai été investi tête de liste aux élections départementales, puis élu.
Si j’ai adhéré au Front National, c’est parce que j’ai une certaine idée de la France, que je crois en un certain nombre de valeurs comme le travail, la discipline et l’indépendance nationale. J’ai toujours condamné les propos de Jean-Marie Le Pen. Quand Marine Le Pen a pris ses fonctions au sein du parti, j’ai été un de ses soutiens. Je pensais qu’on allait changer les choses, mais je me suis aperçu qu’il y avait la boutique et l’arrière-boutique.  Même si le Front National a parfois de bonnes idées,  il n’est pas à même d’apporter les solutions. Par exemple, il manque clairement d’implantation locale. Le Front National est une PME familiale dont l’objectif est de présenter le maximum de candidats, dans le but de gagner de l’argent. On présente des candidats partout parce que l’on sait que l’on va faire 10 %, mais ces gens ne sont pas toujours implantés localement.
Cela a commencé à me faire douter, et puisque Florian Philippot est devenu le nouvel homme fort de la région, il a fallu placer ses hommes. J’ai donc décidé de quitter le Front National pour créer un groupe technique « Je suis Lorrain » au Conseil régional, dans le but de défendre les Lorrains. De toutes les offres politiques que j’avais, j’aurais pu être beaucoup plus à droite mais je ne suis pas un extrémiste. Nicolas Dupont-Aignan [président de Debout la France, NDLR] me paraissait sérieux, équilibré et disant de bonnes choses. J’y ai été au culot et je lui ai dit que j’étais prêt à le rejoindre, il m’a répondu qu’il n’y voyait pas d’inconvénient mais qu’il ne voulait pas d’extrémiste dans son parti. Il a dû remarquer que j’étais quelqu’un d’équilibré et je me suis donc présenté sous les couleurs de Debout la France.
À quel stade en est votre liste pour les élections régionales ?
Notre liste de 24 noms en Meurthe-et-Moselle est complète. Je l’ai annoncé au parc Sainte-Marie, à côté de la statue d’Emile Coué. Ce parc est un poumon vert de Nancy, or nous voulons donner une nouvelle respiration démocratique. Nous voulons être une vraie alternative face à l’alternance de la continuité, représentée par le Parti Socialiste et les Républicains, et l’alternance dans l’aventure, représentée par le FN. De plus, le parc se trouve à proximité du lycée Chopin, qui représente l’éducation qui est au cœur de notre programme, et du Conseil départemental qui représente le triptyque commune-département-nation auquel nous sommes attachés.
Enfin, nous avons décidé de faire cette annonce à proximité de la statue d’Emile Coué qui est né à Troyes et mort à Nancy, ce qui est emblématique de la région ACAL, et qui était adepte du positivisme. J’ai voulu faire un petit clin d’œil puisque la réalité est que la nouvelle région ACAL est la dernière en matière de chômage, la 12ème sur 13 en ce qui concerne le PIB et la démographie et que la fusion ne générera pas d’économies. Une étude du JDD a ainsi montré que les nouvelles régions allaient coûter 8 millions d’euros de plus sur la mandature en frais de fonctionnement.
Pour en revenir à la liste, nous avons essayé d’avoir le maximum de maires. En Meurthe-et-Moselle nous en auront deux parce que les maires hésitent à s’afficher, même quand ils sont encartés chez nous. Nous voulons nous appuyer sur les territoires, or la nouvelle région n’a pas de cohérence. Nous créerons donc trois vice-présidents, un pour chacune des anciennes régions qui composent la région ACAL.
Parlons du parti Debout la France, dont le slogan est « ni système, ni extrêmes ». Pouvez-vous nous rappeler son placement sur l’échiquier politique ?
Certains chez nous disent que nous ne sommes ni de droite, ni de gauche. Personnellement, je pars du principe que je suis de droite gaulliste, une droite sociale. D’ailleurs, sur nos documents de campagne il est marqué « la droite gaulliste pour nos régions ».
« Ni système » parce que nous considérons que les partis du système tels que les Républicains ont échoué. D’ailleurs, si nous atteignons les 5% au premier tour, il n’y aura pas d’alliance au deuxième tour. Voilà pourquoi en étant réaliste, j’ai peu de chances d’être réélu.
« Ni extrême » parce que nous considérons que le FN est un parti extrême, dont nous nous différencions.
Vous-même y avez été membre pendant 14 ans. Avez-vous changé d’avis ?
Oui, j’ai changé d’avis. Aujourd’hui je me sens gaulliste et je me sens bien dans ce nouveau mouvement.
Nicolas Dupont-Aignan (gauche), en compagnie de Jean-Luc Manoury (droite) (photo : Flickr, Debout la France)
Nicolas Dupont-Aignan (gauche), en compagnie de Jean-Luc Manoury (droite) (photo : Flickr, Debout la France)
Quelle est votre position sur la réforme des régions et sur le choix de Strasbourg comme capitale ?
Nous étions contre la réforme puisqu’elle avait été décidée à la va-vite et sans concertation.  Étant républicains, nous nous présentons tout de même aux élections. Il faut saisir cette opportunité pour travailler ensemble, mais cela sera difficile. J’ai peur que chacun ne pense qu’à défendre son territoire et que les grosses villes bouffent les petites. Je ne crois pas à cette réforme qui est seulement une manière d’imiter l’Allemagne.
Quels sont les grands axes de votre programme ?
Première chose : l’emploi. À la différence de certains, l’emploi pour moi, c’est le chef d’entreprise. Le but du politique est de donner des éléments pour que l’emploi se développe. Je pense par exemple à l’aménagement du territoire, au numérique et la formation, pour laquelle les budgets ont été diminués. Le transfrontalier est également important mais seulement s’il est gagnant-gagnant.
Avant il y avait trois principales compétences : les lycées, les TER et la formation. Il y aura en plus les collèges, les bus non-urbains, l’emploi et le développement économique de la région. Dès lors qu’il s’agit de compétences, il faut travailler dessus. C’est bien de donner de nouvelles compétences, mais les dotations baissent alors même que les seules recettes des régions proviennent de la taxe intérieure sur les produits énergétiques, les cartes grises et l’emprunt, donc l’endettement.
Question plus précise : que comptez-vous faire pour le TER et quelle était votre position concernant la construction de la gare de Vandières ?
Nous voulons que  la région soit un aménageur du territoire. Dans la mesure du possible nous sommes donc contre la fermeture des gares. Le problème est que tous les moyens ont été investis dans le TGV au détriment des autres dessertes. Je suis un élu honnête, au niveau de la Lorraine, des efforts conséquents ont été faits en termes de tarification, il faut donc dorénavant harmoniser cela à l’échelle de l’ACAL et mettre en place une billetterie commune.
Vous parliez de Vandières, j’étais pour et je le suis toujours. Si les gens sont honnêtes, ils savent bien que c’est un moyen d’irriguer tout le territoire et s’y opposer était un prétexte politique pour combattre Jean-Pierre Masseret  [actuel président de la région Lorraine, NDLR].
Quelle est votre position sur l’A31 bis ?
L’A31 est une réalité pour irriguer le territoire. Nous sommes pour l’A31 bis, mais pas à n’importe quelle condition. Nous sommes opposés au péage puisque nous considérons que le contribuable a déjà payé pour. Personnellement je serais pour taxer les poids lourds qui détériorent la route.
Étiez-vous favorable à l’écotaxe ?
Oui, à titre personnel en tout cas. Je ne sais pas si c’est la ligne du parti, mais puisque nous sommes un parti démocratique, nous pouvons avoir des avis différents. C’est d’ailleurs ce qui m’a frappé par rapport au FN où j’étais membre du comité central. Lors des réunions Debout la France tout le monde discute, c’est un parti vivant.
Le 22 janvier 2015, Nicolas Dupont-Aignan adresse ses vœux à la presse (photo : Flickr, Debout la France)
Le 22 janvier 2015, Nicolas Dupont-Aignan adresse ses vœux à la presse (photo : Flickr, Debout la France)
Que proposez-vous pour les étudiants et pour l’étude des langues ?
L’étude des langues dès le primaire et les échanges culturels, c’est très bien. On ne peut pas vivre dans une bulle.
L’éducation de la jeunesse est l’avenir du pays, il faut l’aider dignement. Nous sommes pour généraliser la carte Multipass au niveau de l’ACAL par exemple. Il faut aussi un budget conséquent et veiller à l’intérêt de la Lorraine et des Lorrains. Les gens que nous formons ont vocation à rester chez nous.
Nous sommes aussi pour les échanges internationaux, Erasmus par exemple.
Les élections, ou en tout cas la campagne, semblent souffrir d’un grand désintérêt. Quand cela n’est pas le cas, le débat se concentre sur des thèmes nationaux. Comment comptez-vous mobiliser Les lorrains sur des enjeux régionaux dans ce contexte ?
Aux dernières élections départementales, il y avait 50 % d’abstention, je pense que cela va continuer. Pour ce qui est des thèmes nationaux, il y a un parti qui est très fort pour cela, c’est le FN. Quand j’y étais, le mot d’ordre était : les Français ne comprennent rien, il faut parler des trois « I » : Immigration, Insécurité, Impôts.
Pour mobiliser les Lorrains, il faut aller sur le terrain, même avec nos petits moyens. Je m’engage d’ailleurs financièrement, comme toutes les têtes de listes départementales.
Merci beaucoup, M. Manoury, pour cette interview !