Dimanche
06
mar 2016
Jamet le dimanche ! Jeanne d'Arc avec nous ?
Dominique
Jamet, vice-président de Debout la France depuis 2012 mais également
journaliste depuis... toujours tient chaque semaine sur le site de
Debout la France une chronique où il commente très librement l'actualité
politique.
Ce colifichet de pacotille – une humble bague de
laiton frappée des initiales « J » et « M », pour Jésus et Marie, - ses
parents, des paysans lorrains, l’avaient offert à leur fille, une
petite bergère de Domrémy, le jour de sa communion. C’est d’ailleurs le
seul bijou dont elle se sera jamais parée. Quelques années plus tard,
lors du procès de Rouen, Pierre Cauchon, l’évêque-inquisiteur, l’avait
arraché du doigt de l’accusée, puis, sans vergogne, en avait fait cadeau
à son protecteur britannique, le cardinal de Winchester. Transmis de
recéleur en recéleur et de génération en génération, l’objet volé
n’avait plus quitté le sol britannique, peu à peu oublié, ignoré,
jusqu’à ce qu’il réapparaisse « miraculeusement », la semaine dernière, à
Londres, à l’occasion d’une vente publique.
L’anneau de Jeanne d’Arc ! Estimé autour de
soixante-quinze millions, il est finalement parti à trois cent
cinquante millions d’euros, soufflé de justesse à un enchérisseur
d’outre-Atlantique. Après six siècles d’exil, l’unique vestige matériel
que nous ait laissé la Pucelle d’Orléans a de nouveau traversé la
Manche, cette fois dans le bon sens.
Tout est bien qui finit bien, direz-vous, et l’on
ne peut que féliciter le ministère de la Culture pour avoir fait son
travail en rapatriant le modeste trésor heureusement réintégré dans
notre patrimoine.
Oui, seulement, voilà. Le ministère de la Culture
n’y est pour rien. Eternelle ingratitude, éternelle mesquinerie de
l’Etat., qu’il ne faut jamais sous-estimer. En 1431, Charles VII ne
s’était pas plus soucié de rassembler les quelques milliers d’hommes
d’armes qui auraient pu secourir celle à qui il devait son trône que de
réunir les quelques milliers d’écus qui auraient payé sa rançon. En
2016, le Trésor français, aussi impécunieux que sous nos rois, n’a pas
reçu consigne de dégager la somme, relativement modique, qui a
finalement permis le retour de l’anneau. C’est à l’initiative privée –
en l’occurrence à l’action efficace menée par Philippe de Villiers –
qu’en est revenu tout le mérite, et c’est au Puy-du-Fou, en l’absence de
tout représentant des pouvoirs publics, que sera exposé dans les jours
qui viennent et offert à la curiosité ou à la vénération des visiteurs
ce que l’ancien député de la Vendée présente comme une relique de la
sainte et qui est en tout cas un fragment symbolique et précieux du
roman national.
Jeanne d’Arc, cette semaine, avait décidément les
honneurs de l’actualité. On apprenait en effet avant-hier que le Front
national nouveau style renonçait définitivement à son habituel défilé
devant la statue de l’héroïne, place des Pyramides à Paris, mais ne
manquerait pas de trouver d’autres façons de l’honorer quand il en
aurait le temps. Jean-Marie Le Pen, furieux du nouveau camouflet que lui
inflige le parti dont il fut le fondateur, a aussitôt fait savoir qu’il
maintiendrait la tradition qu’il avait inaugurée dès 1979 et qu’il
invitait ses fidèles à se compter autour de lui le 1er mai prochain. Il est permis de prédire que le compte sera vite fait.
Dans les années de l’immédiate après-guerre, le
Parti communiste français, ayant découvert et suivi les chemins du
patriotisme après l’invasion de l’URSS par le IIIe Reich, avait pris lui
aussi le pli d’organiser des cortèges, sinon des pélerinages, en
l’honneur de la sainte. Rituel inattendu et décalé qui était peu à peu
tombé en désuétude, tant les liens entre le personnage historique de
Jeanne et le marxisme-léninisme ou le Komintern apparaissaient peu
évidents.
Nombreux sont les hommes et les partis
politiques qui ont joué à des fins intéressées au petit, au très petit
jeu du « Jeanne avec nous. » Comment aurait réagi Jeanne face à certains
hommages, à ceux qui les lui rendaient et aux motifs qu’ils en
donnaient ? On ne le saura jamais. C’est dans un roman de Jules Romains,
Les Copains, que Vercingétorix en personne se dresse sur le
socle du monument qui lui est dédié et apostrophe avec verdeur la foule
des notables venus l’inaugurer. Force est de constater que Jeanne n’est
jamais descendue de son cheval doré pour dire leur fait à ses visiteurs
du dimanche.
On ne parlera donc pas à sa place et on ne se
risquera pas à dire ce que penserait Jeanne d’Arc, si elle revenait
parmi nous, à quel parti elle adhèrerait, à quel candidat elle se
rallierait (à moins qu’elle soit elle-même candidate) ni ce que seraient
exactement ses prises de position par rapport à la loi El Khomri, à la
déchéance de nationalité, à l’IVG, à la GPA, au mariage pour tous, au
féminisme, à Daech, à l’euro, et, bien sûr, au « Brexit ».
Jeanne d’Arc, dont chacun est libre de se revendiquer, appartient à tout le monde, c’est dire qu’elle n’appartient à personne.
On peut quand même tenir pour assuré
qu’aujourd’hui comme hier, elle ne se demanderait pas ce que son pays
peut faire pour elle mais bien ce qu’elle peut faire pour son pays. On
ne risque guère de se tromper en imaginant que, pendant la dernière
guerre, elle se serait engagée dans la Résistance plutôt qu’elle
n’aurait versé dans la collaboration. Il y a même un mot qui ne laisse
aucune place au soupçon ou au doute, un mot sur lequel pas plus
qu’elle-même nous ne sommes prêts à transiger ou à trahir, un mot qu’ici
nous partageons avec elle: la France.
Dominique Jamet
Vice-président de Debout La France