Dimanche
12
juin 2016
Jamet le Dimanche ! Pas lui ! Pas là !
Dominique
Jamet, vice-président de Debout la France depuis 2012 mais également
journaliste depuis... toujours tient chaque semaine sur le site de
Debout la France une chronique où il commente très librement l'actualité
politique.
On avait peine à croire l’information donnée par
les journaux, mais un communiqué officiel de l’Elysée est venu le
confirmer : demain lundi, à quelques jours de la célébration de l’appel
légendaire du 18 juin, François Hollande se rendra à Colombey pour y
honorer le général de Gaulle, dont les héritiers le recevront ensuite
dans la maison familiale de la Boisserie…
Vivant puis mort, il y a déjà longtemps que le
général est entré dans notre histoire, et qu’en ce sens il appartient à
tous les Français. Mais qui pousserait la crédulité jusqu’à penser que
la surprenante initiative de l’actuel chef de l’Etat relève d’une
conversion récente, subite, sincère et discrète aux valeurs défendues
par son illustre prédécesseur ? La conjoncture et le caractère d’un
président dont on ne sait trop si on doit le qualifier de sortant ou de
sorti, mais dont tout indique qu’il est en campagne sans avoir encore
déclaré sa candidature, confèrent à ce pèlerinage publiquement annoncé
l’allure d’une démarche politicienne qui doit tout au calcul et rien à
la piété. L’hypocrisie, a écrit La Rochefoucauld, est l’hommage que le
vice rend à la vertu.
Ma grand-mère, sans avoir le même sens de la formule que l’auteur des Maximes,
invoquait volontiers un vieil adage qui lui venait de sa Lorraine
natale. « Un chien », disait-elle, « peut bien regarder un évêque. »
Sans doute, mais un évêque vivant peut aussi empoigner sa crosse pour
faire déguerpir le roquet qui se serait oublié au pied de l’autel,
tandis qu’un évêque mort et gisant n’est plus en état de chasser le
quadrupède qui ose gambader sur sa tombe.
M. Hollande n’est certes pas le premier
politicien, touché par une grâce soudaine, à prendre le chemin de
Colombey pour y chercher une guérison miraculeuse à son impopularité ou
simplement l’absolution de ses reniements et de ses péchés, mais il est à
coup sûr celui dont la présence est la plus incongrue et la plus
malvenue.
Quoi de commun, en effet, quelle filiation,
quelle continuité, quel accommodement possible entre le premier et le
septième président de la Ve République, entre son fondateur et son
fossoyeur, entre l’homme des tempêtes et l’homuncule du cabotage, entre
l’homme de l’exigence, de la hauteur, du refus et l’homme des abandons,
des compromis, des combinaisons, entre l’homme de la ligne droite, des
grands projets, du grand large et l’homme des zigzags, des replâtrages,
des marécages, entre l’homme du redressement et l’homme de
l’abaissement, entre l’homme du rassemblement et l’homme du
morcellement, entre le restaurateur de l’indépendance, de la liberté, de
la grandeur françaises et le suiveur d’Obama, le courtisan des Qataris,
le loulou préféré de la Poméranienne, entre l’homme du sursaut et
l’homme du déclin, entre celui qui s’accroche à son mandat comme une
moule à son bouchot et celui qui, par deux fois, renonça volontairement
au pouvoir, en 1946 parce qu’il estimait n’avoir pas les moyens de ses
ambitions, en 1969 parce qu’il se jugeait désavoué, avec seulement 47%
de réponses positives à un referendum d’importance secondaire ?
Imagine-t-on un de Gaulle prétendant représenter et gouverner la France
avec une cote de confiance à 13% ?
François Mitterrand qui fut l’irréductible
adversaire du général et l’inflexible opposant à la Constitution de 1958
avant de succéder au premier et de s’accommoder de la seconde, n’eut
jamais l’indécente idée de venir s’incliner sur la tombe de celui qu’il
avait si longtemps et si vainement combattu dans le pitoyable espoir d’y
grappiller quelques voix.
Mitterrand contre de Gaulle, c’était dom Juan
défiant le Commandeur. Dom Juan est mort, le Commandeur est mort et
bafouillant, bredouillant au pied de sa statue, il n’y a plus que
Sganarelle.
Dominique Jamet
Vice-Président de DLF