Dimanche
11
déc 2016
Jamet le dimanche ! ET MAINTENANT ?
Dominique
Jamet, vice-président de Debout la France depuis 2012 mais également
journaliste depuis... toujours tient chaque semaine sur le site de
Debout la France une chronique où il commente très librement l'actualité
politique.
Sa victoire historique du 27 novembre dernier, ce
triomphe aussi éclatant que surprenant, François Fillon ne la doit pas
seulement à l’image de calme, de mesure, de sang-froid, d’élégance, de
respectabilité, qu’il aura su donner de lui-même et imprimer à sa
campagne.
Il ne la doit pas seulement à la proverbiale
mémoire courte des Français, et donc à la capacité d’amnésie d’un corps
électoral qui ne lui aura pas tenu grief d’avoir été cinq ans durant le
principal « collaborateur », fidèle jusqu’à la docilité, du président de
la République battu en 2012.
Il ne la doit pas seulement au fait que la forte
envie, si largement partagée, d’en finir avec Nicolas Sarkozy ne se
traduisait nullement par un vif désir de recommencer avec Alain Juppé.
Candidat à la primaire de la droite, dans le
contexte supposé d’une « droitisation » générale du pays (qui reste à
vérifier), l’ancien Premier ministre a eu la simple et grande habileté
de tenir à l’adresse d’un public très particulier le langage « de
droite » que celui-ci avait envie d’entendre, de lui proposer les
mesures « de droite » qu’il avait envie de soutenir et de lui apparaître
sous les traits flatteurs du héraut providentiel d’une droite sans
complexe qu’il avait envie de plébisciter. D’où l’appoint décisif, au
moment du vote, du noyau le plus dur et le plus décidément réactionnaire
d’une droite exaspérée par cinq ans de présidence socialiste et
assoiffée de revanche.
L’obstacle de la primaire franchi par notre
Napoléon Bonasarthe avec l’aisance d’un cavalier chevronné du Cadre noir
de Saumur, l’ensemble des politologues, des politiciens, des
commentateurs et des courtisans, la brillante cohorte de ceux qui
n’avaient pas vu débouler en tête du peloton l’outsider revenu de si
loin, de ceux qui sont aussi doués pour analyser le passé qu’incapables
de prévoir l’avenir, nous affirme avec son habituelle et tranquille
assurance que les jeux sont faits, que les résultats d’avril et de mai
sont inscrits dans ceux de décembre et que la confirmation de François
Fillon dans le rôle de chef de l’Etat n’est plus qu’une formalité. C’est
aller un peu vite en besogne.
Et cela pour deux excellentes raisons. La première
est qu’il ne s’agit plus de recueillir le vote de près de trois
millions de convaincus mais de leur ajouter les quelque douze à quinze
millions de suffrages nécessaires pour l’emporter au second tour de
l’élection présidentielle. Autre manche, autre paire de manches. La
deuxième est que ce n’est qu’après le succès de M. Fillon que les
médias, l’opinion et selon toute probabilité bon nombre de ceux qui ont
voté pour la personne ont découvert dans toute son ambition, dans toute
sa démesure, et pour tout dire dans l’ampleur de son aberration le
programme de celui qui aspire à devenir le président de tous les
Français. Or, ce programme dans son état actuel, est de nature à cliver
profondément le pays, à couper la France en deux et à jeter dans la rue
plus de grévistes et de manifestants que n’en avait réunis en 1995 le
fugace et maladroit gouvernement de M. Juppé.
Car il n’est pas un secteur, pas un domaine où M.
Fillon, pourtant notre contemporain, n’ait choisi pour complaire à ceux
dont il recherchait le soutien les propositions les plus régressives,
les plus impopulaires, et au fond les plus irréalistes. Qu’il s’agisse
de la durée du travail, de l’âge de la retraite, du dialogue social, des
services publics, des prestations sociales, du pouvoir d’achat, du
statut de la fonction publique, M. Fillon, si on le prenait au pied de
la lettre, ne nous promet que purges, saignées, punition, pilules
amères, retour en arrière. Vers 1944, avant la Sécurité sociale ? Vers
1936, avant la semaine de 40 heures ? Vers 1884, avant la reconnaissance
officielle du syndicalisme ?
Professionnel de la politique depuis trente-cinq
ans et plus connu jusqu’ici pour sa modération, que certains
qualifiaient même de pusillanimité, que pour ses audaces
contre-révolutionnaires, M. Fillon est trop avisé pour ignorer que,
ordonnances ou pas, son programme de 2016 volerait au vent de la révolte
populaire s’il persistait à vouloir l’imposer en 2017.
Aussi bien, - Le Figaro, journal qui ne lui veut
plus que du bien nous l’apprend – l’ancien Premier ministre, depuis
quelques jours, « consulte », « peaufine », « affine », « adoucit »,
« clarifie », « arrondit ». C’est dire qu’il est le premier à savoir
qu’il n’appliquera pas, tel quel, le mirifique programme qui lui a
permis de l’emporter sur ses rivaux dans le cadre d’une consultation
restreinte et qui ne tiendrait pas une minute face au suffrage
universel. La seule question qui se pose désormais est donc moins de
savoir si M. Fillon reviendra sur ses engagements que de savoir quand il
le fera, avant ou après l’élection présidentielle, avant ou après avoir
déchaîné la guerre sociale.
P.S. N’aurions-nous échappé au « meilleur d’entre
nous » que pour avoir droit au « premier de la classe » (politique) ?
C’était pure merveille d’assister au one man show que nous a donné
Emmanuel Macron, si content de lui-même, si creux et si plein de
lui-même, extasié enfin de se voir si beau dans le miroir de sa
popularité. Les narcisses, si l’on en croit les amateurs de jardins,
fleurissent entre février et mars. Erreur, si l’on s’en fie à celui que
l’on a vu éclore hier à la porte de Versailles.