Dimanche
05
fév 2017
Jamet le dimanche ! - UN PLAN D
Jamet le dimanche ! - UN PLAN D
Dominique Jamet, vice-président de Debout la
France depuis 2012 mais également journaliste depuis... toujours tient
chaque semaine sur le site de Debout la France une chronique où il
commente très librement l'actualité politique.
Au cœur de la tourmente, gardons le sens des
proportions. L’affaire Fillon (1), ce n’est pas le scandale de Panama,
ce n’est pas l’affaire Stavisky, ce n’est même pas, et tant mieux pour
l’intéressé, l’affaire Cahuzac. A priori, l’enquête ouverte contre
l’ancien Premier ministre ne vise que la réalité des emplois tenus tant
par son épouse que par ses enfants, à hauteur d’environ un million
d’euros, et financés pour l’essentiel par de l’argent public, pour
partie par un ami généreux et fortuné. Si ces emplois s’avèrent fictifs,
il s’agit d’un délit prévu et réprimé par la loi. Le Parquet national
financier, qui s’est saisi du dossier, devrait trancher dans les
meilleurs délais, et dire s’il y a lieu ou non de poursuivre. Nous
n’avons pas à préjuger de sa décision.
Qui a fourni au Canard enchaîné les
informations qui ont déclenché le séisme où un homme et sa réputation
sont en passe de s’engloutir ? Assurément une ou des personnes qui ne
voulaient pas de bien à François Fillon. Le coup est-il venu de la
gauche, de son propre camp ou d’ailleurs ? S’agit-il d’une vengeance
personnelle, d’une manœuvre politique, d’un mélange des deux ? Pourquoi
avoir choisi ce moment ? Parce qu’il était favorable. En toute
hypothèse, les résultats ont comblé et peut-être même dépassé les
espérances des délateurs masqués. Aucune piste, comme on dit dans la
police, n’est à écarter. Au demeurant, l’essentiel n’est pas là.
L’important, en l’occurrence, n’est pas l’identité des messagers, mais
bien le contenu du message, et celui-ci est parfaitement clair.
Après avoir dans un premier temps traité le
sujet par le mépris et évoqué les classiques « boules puantes » qui
viennent empoisonner les campagnes électorales, François Fillon a changé
de registre, et n’a pas hésité à parler de « coup d’Etat
institutionnel », ce qui est parfaitement dépourvu de sens, puis à
dénoncer, notamment par le biais d’un tract tiré à quatre millions
d’exemplaires, les ténébreuses « officines » et la « chasse à l’homme »
dont il serait l’innocente victime.
On comprend que M. Fillon, harcelé, surmené,
déstabilisé, discrédité, et surtout voyant, comme d’autres avant lui, se
dérober contre toute attente le but qui semblait à portée de sa main,
ait perdu son légendaire sang-froid. Pour autant, nous n’avons aucune
raison de le suivre dans ce qui ressemble à une tentative désespérée de
fuite en avant. Nous ne confondrons pas comme lui le bûcher de ses
illusions perdues avec la fin d’un monde qui semble devoir continuer à
tourner, sans lui.
Il est on ne peut plus normal qu’avant de déléguer
pour cinq ans la direction de notre pays à un homme, les électeurs,
qui sont d’abord des citoyens, aspirent à savoir, au-delà des discours,
des programmes et des promesses, qui est réellement et ce que vaut
vraiment cet homme. La nature de la fonction, l’ampleur des pouvoirs et
des responsabilités qu’elle confère à son titulaire justifient
entièrement une telle exigence. Il est non seulement normal, mais sain,
quelles que puissent être les arrière-pensées des uns ou des autres,
adversaires déclarés ou faux amis, que les médias se fassent l’écho des
informations qu’ils détiennent, sans céder aux pressions ou s’arrêter
aux dégâts que peuvent faire leur révélations. Nul n’est contraint de se
porter candidat à la présidence de la République française. Si on ose
cette ambition, il vaut mieux en peser les risques et en accepter les
conséquences.
Ce qui résulte de cette semaine apparemment fatale
aux espérances de M. Fillon, c’est qu’il ne correspondait pas
exactement à l’image qu’il avait su donner de lui-même. Le manteau de
probité candide d’intégrité, de sincérité dont se revêtait celui que la
presse allemande appelait « M. Sobre » et qu’elle a rebaptisé « M.
Filou » dissimulait un personnage moins respectable qu’on l’avait cru.
Partisan de la rigueur pour tous, il ne se l’appliquait pas à lui-même.
L’austérité, c’était pour les autres. De jour en jour, il est apparu que
son rapport à l’argent, argent public, argent privé, que son rapport à
la vérité, que son rapport à la réalité étaient plus obscurs et plus
compliqués qu’il ne sied à un homme qui se présentait comme
irréprochable, voire comme exemplaire.
L’origine et le montant cumulé des diverses
sources de revenus dont a bénéficié M. Fillon, le sentiment qu’il donne
de ne même pas comprendre ce que son comportement et ses dissimulations
pouvaient avoir de choquant, ont tracé peu à peu de l’ex-favori de la
compétition présidentielle un portrait de plus en plus ressemblant à ce
dont les Français ne veulent plus et qu’il avait réussi à faire oublier,
un concentré ce que les peuples reprochent à leurs élus et à leurs
élites, un représentant typique de l’entre-soi, de la déconnection
d’avec la vraie vie, des privilèges de la caste que constituent les
professionnels de la politique, un symbole de ce système dont, partie
prenante depuis trente ans, il se disait l’ennemi, et de cette zone
grise où les convictions se diluent dans la corruption molle des
compromis, des accommodements, des démissions de toutes sortes.
Ce qui est grave dans cette pitoyable affaire est
qu’elle ne discrédite pas seulement M. Fillon mais qu’elle porte une
atteinte de plus, au-delà de sa personne, à son propre parti, à son
camp, à la démocratie. Les dégâts, en ce qui le concerne, semblent
irréversibles. Juridiquement préservé par la présomption d’innocence, M.
Fillon est devenu politiquement et moralement inéligible.
Au fait, puisqu’après vingt ans de pouvoir, cinq
ans d’opposition et deux tours de primaire la droite républicaine n’est
toujours pas parvenue à repérer et à proposer au suffrage universel un
candidat à la fois expérimenté, intègre, courageux et plus soucieux de
l’interêt national que de ses intérêts propres, signalons aux
Républicains et aux orphelins de M. Fillon qu’il existe un plan de
substitution à leur plan B défaillant, un bon plan, un plan D… comme
Dupont-Aignan.
- Que nos médias anglopathes préfèrent appeler « Penelopegate ». Pourquoi se gêner quand la devise officielle choisie pour présenter la candidature de Paris aux J.O. de 2024 n’est plus le traditionnel « Fluctuat nec mergitur » mais le très chic « Made for sharing » ?