Dimanche
19
mar 2017
Jamet le dimanche ! Parole, paroles
Dominique
Jamet, vice-président de Debout la France depuis 2012 mais également
journaliste depuis... toujours tient chaque semaine sur le site de
Debout la France une chronique où il commente très librement l’actualité
politique.
A la belle époque où l’on enseignait
encore les humanités, au temps, lointain et révolu, où les professeurs
tiraient de l’histoire des hommes illustres, à l’usage de leurs élèves,
des leçons de conduite et des devoirs de morale, aucun collégien, fût-il
le dernier des cancres, n’était censé ignorer le nom et les hauts
faits de Cincinnatus et de Regulus.
Cincinnatus – saint Cinnatus ? – était
cet homme d’Etat et général romain qui, à deux reprises, avait été tiré
de sa retraite par ses concitoyens pour exercer une dictature
temporaire. A deux reprises, il avait sauvé sa patrie en danger, à deux
reprises, le péril passé, il avait quitté le pouvoir, comme convenu,
pour retourner à ses champs et à sa charrue.
Le consul Regulus, quant à lui, avait
été capturé par les Carthaginois. Il accepta d’aller à Rome y porter
leurs propositions de paix, étant entendu, si celles-ci étaient
repoussées, qu’il reviendrait se mettre à la disposition de ses
geôliers. De fait, le Sénat refusa d’engager la moindre négociation. Ses
amis, sa famille adjuraient Regulus de ne pas honorer une promesse
faite sous la contrainte. Connaissant la mauvaise foi punique, il y
avait toutes les chances que Carthage lui fît payer son échec au prix
fort. Regulus se contenta de répondre aux uns et aux autres qu’il avait
donné sa parole. Il retraversa la mer et dès son arrivée, comme il s’y
attendait, fut mis à mort.
Nourri de culture classique et de
l’exemple des grands hommes, le général de Gaulle connaissait le poids
des mots et la force des serments. Le 25 avril 1969, avant-veille du
referendum sur la régionalisation et la réforme du Sénat, qu’il savait
déjà perdu, il adressa ce dernier message aux Français : « Si je suis
désavoué par une majorité d’entre vous, je cesserai aussitôt d’exercer
mes fonctions. » Le 27 avril, 52,41% des votants se prononcèrent pour le
« non ». Le 28 avril au matin, un communiqué fut émis de
Colombey-les-deux églises : « Je cesse d’exercer mes fonctions de
président de la République. Cette décision prend effet aujourd’hui à
midi. »
« Imagine-t-on le général de Gaulle mis
en examen ? » Même en 2017, la Roche tarpéïenne est toujours aussi
proche du Capitole. Au moment où il décochait ces deux flèches
empoisonnées en direction de ses deux principaux rivaux, Alain Juppé,
jadis condamné et Nicolas Sarkozy toujours poursuivi par la justice,
François Fillon n’imaginait pas qu’elles lui reviendraient en boomerang,
et pas davantage qu’en pleine euphorie, largement vainqueur de la
primaire, leader indiscuté de la droite, virtuellement président de la
République jusqu’en 2022, il serait à son tour rattrapé par son passé et
sommé de répondre à la convocation de ses juges.
C’est alors, on le sait, qu’il commit
la double faute qu’il n’a pas fini de payer, d’abord en déclarant que
s’il était mis en examen il retirerait évidemment sa candidature,
ensuite en déclarant que, bien que mis en examen, il maintenait
naturellement celle-ci.
De leur côté, les concurrents de la
primaire de la gauche, s’étaient publiquement engagés, à l’issue de la
compétition loyale qui les opposait, à soutenir celui d’entre eux qui en
sortirait vainqueur. Les choses n’ayant pas tourné comme il l’espérait,
on a pu constater que le grand perdant du match, lui aussi ancien
Premier ministre, ne se considérait pas comme lié par le contrat qu’il
avait signé, dès lors que ce contrat ne lui profitait pas. Or,si nul
n’est obligé de prendre des engagements, tout engagement nous oblige.
Les insensés ! On pourrait se contenter
de rire sans indulgence et sans retenue du spectacle que donnent des
gens qui scient la branche sur laquelle ils sont assis, et les regarder
qui tombent dans le décri universel. Le problème, malheureusement, n’est
pas seulement le leur. Ce n’est pas seulement leur personne, leur
loyauté, leur moralité qui sortent en lambeaux de tels comportements et
de tels reniements. Arroseurs arrosés, fossoyeurs enterrés, ils
discréditent et salissent dans l’esprit de tous les Français, les mœurs
politiques, la classe politique, la confiance dans la démocratie, la
République elle-même.
Parole, paroles… Les politiques, de
tout temps, se sont toujours répartis entre deux espèces. Il y a ceux
qui n’ont qu’une parole, et s’y tiennent. Il y a ceux qui en ont, en
gros, en détail et en solde,pour tous les publics, pour toutes les saisons, pour toutes les occasions, et les sèment à tout vent, qui les emporte.