"Soyons fermes, purs et fidèles ; au bout de nos peines, il y a la plus grande gloire du monde, celle des hommes qui n'ont pas cédé." Charles de Gaulle.

lundi 8 décembre 2008

Plan de développement durable et d’attractivité du grand Nord-est

Séance plénière du 8/12/08 : Intervention de Jean-Luc MANOURY


Monsieur le Président,
Mes chers collègues,

Après la fermeture définitive des mines de charbon, l’abandon progressif de la sidérurgie lorraine alors que le groupe Arcelor-Mittal envisage la suppression de 1400 postes en France dont plusieurs à Florange , malgré les 8 milliards d’euros de bénéfices en 2008 et les 4 milliards de dollars de dividendes aux actionnaires ,alors que la spirale des délocalisations et les nombreuses défaillances d’entreprises soit 871 supplémentaires au 1er semestre 2008 se poursuivent comme dans le textile avec pour corollaire une augmentation des chômeurs de 3,7% au mois d’octobre , l’on est en droit de se demander :

La Lorraine a-t-elle encore un avenir ?

Profitant de la torpeur estivale, en juillet 2008, la Lorraine comme difficultés superfétatoires dans le cadre du livre blanc de la défense a appris qu’elle aller payer un lourd tribut, avec 8.000 postes de militaires et de civils supprimés dont 6.000 en Moselle.

Pour des raisons stratégiques pendant la guerre froide face à la menace de l’invasion communiste, la Lorraine a joué un rôle de tampon et de dernier rempart avec un effectif militaire plus élevé que sur le reste du territoire.

Après la chute du mur de Berlin , le 09 novembre 1989, j’accuse la classe politique lorraine d’avoir manqué de courage et d’anticipation en privilégiant le statu quo alors qu’il était prévisible que la donne stratégique ayant évolué des régiments allaient disparaître ou se redéployer sur le territoire national.

Proposer une vision stratégique à 10 ans, sur un vaste territoire est un exercice difficile parce qu’un ou deux projets seront peut-être retenus, car nous subissons aussi la concurrence des autres régions.

Dans la colline inspirée, Maurice BARRES écrivait : « autour de Bosserville, les grands vents tourmentent le ciel et balayent la lorraine dont le cœur sommeille. »

Les nuages noirs s’amoncellent dans le ciel de Lorraine et l’accumulation des mauvaises nouvelles qu’elle doit affronter, justifie un plan d’envergure, que nous devons élaborer ensemble afin de pérenniser l’activité économique de la Lorraine.

Politique structurelles, investissements publics productifs, initiatives concertées, aujourd’hui plus que jamais, tous les outils d’aménagement à notre disposition doivent être mis à profit. Le groupe Front national qui depuis des années réclame des plans de développement concertés et qui pense que le politique doit reprendre la main sur l’économique pour défendre l’intérêt général contre l’intérêt particulier se félicite donc de ce document présenté.

Mais si nous saluons la démarche, nous n’oublions pas que le chaos actuel est la directe conséquence des politiques précédentes, dans lesquelles la droite comme la gauche se sont compromises car le PS comme l’UMP ont floué leur électorat en leur faisant croire qu’ils agissaient pour eux, alors qu’ils n’oeuvraient que pour les intérêts des financiers et ceux de leurs élus.

Dans les années 1960, sur les bénéfices d’une entreprise, 20% était consacré au capital et 80% au travail alors qu’aujourd’hui 40% est consacré au capital et 60% au travail et les banques ont préféré investir dans les transactions financières plutôt que de prêter à d’autres secteurs productifs.

Nous nous proposons d’examiner votre document au strict regard de son intérêt pour les Lorrains, les plus humbles, les exclus, les travailleurs pauvres ou les chômeurs.

I. Un plan qui ose parler d’action publique

En proposant aux conseils généraux et aux grandes métropoles lorraines de participer, à vos côtés, à la définition des priorités collectives d’investissement, vous avez su saisir l’occasion d’une période de crise en Lorraine, pour faire avancer des préoccupations de l’intérêt général. En reprenant le leadership, monsieur le Président, je salue votre habileté, car il fallait un certain sens politique pour parvenir à s’imposer à la compétition des égoïsmes et à l’éclatement des baronnies qui prévalent dans notre région.

La Lorraine dans son esprit, dans son histoire, dans sa culture, s’épanouit dans son unité. Province intégrée avant que d’être une entité administrative, la Lorraine a toujours formée des hommes d’élites au regard de l’esprit.

Ce fond commun de traditions millénaires, d’exaltation littéraire et d’héroïsme militaire, est une réalité symbolique qui peut déplacer des montagnes, une colline inspirée si cher à Maurice BARRES

Je ne parle pas de la région dans sa réalité administrative, son Conseil régional, ses institutions, je parle de notre territoire, de notre province, dans laquelle les noms artificiels de nos départements, les découpages de frontières réglementaires ne veulent pas dire grand-chose face à « ces lieux ou souffle l’esprit » d’une Lorraine immortelle.


Dans le document qui nous est présenté, on trouve cependant quelques approximations qui courent malheureusement depuis bien trop longtemps. Depuis mon élection en mars 2004, j’ai toujours entendu votre majorité se pâmer devant le tourisme de mémoire et la valorisation patrimoniale.

Objet d’enthousiasme subit et de défense passionnée, ce tourisme doté de sens et sans cesse appelé à la rescousse des projets souffrant d’un manque de profondeur. On commence à trouver la ficelle un peu grosse…elle n’en occupe pas moins un point 3.3 de la page 14, après avoir fait l’objet d’une résolution au CPER, d’un autre à tous les précédents budgets.


Dans le même ordre d’idée, nous aurions aimé que le projet d’Université Lorraine présenté au point 2.1 de la page 12, soit présenté avec davantage d’humilité. Je veux dire par la que si nous ne doutons pas de la qualité du dossier présenté et de la nécessité de promouvoir l’enseignement supérieur et la recherche, le fait est qu’il n’avait pas été initialement retenu parmi les 10 projets d’excellence dans le cadre du projet Campus.

Ce relatif échec ne peut être constructif que si vous en analysez les causes, et avant de chercher à compenser les pertes financières qui en sont consécutives, il aurait été utile que vous amendiez votre proposition dans le sens de l’excellence…peut-être davantage approché par les projets primés.


Le point 3.1 de la page 13, consacré à l’ambition environnementale, aurait également gagné à s’enrichir d’une mention du laboratoire de l’ANDRA, à Bure que j’ai eu l’occasion de visiter avec notre groupe. Notre région peut s’enorgueillir d’accueillir cet équipement de recherche. Le stockage des déchets nucléaires est un enjeu majeur pour notre pays, qui a fondé son indépendance énergétique sur son programme électronucléaire, et qui, grâce à lui respecte, mieux que n’importe quel pays développé, l’objectif de réduction d’émission des gaz à effet de serre. Il faut je crois aborder ce problème sans dogmatisme et sans a priori en respectant l’environnement.

2. Une Europe pour qui la Lorraine ne compte pas.

Il y a aussi, dans ce plan, des éléments regrettables illustrant la duplicité des hommes politiques de l’établissement.

Dans un élan invraisemblable, vous appelez, une fois encore, dans la délibération et dans le plan concerté, à l’avènement d’un Schéma Stratégique de Mobilité Lorraine Luxembourg (point 4.3 page 15, et page 8). Le SMOT c’est un moyen commode pour les pouvoirs publics français de se défausser de leurs responsabilités en matière de lutte contre le chômage, dans ce que vous appeliez il y a quelques semaines de cela un paradis fiscal.

Il y a dans votre attitude vis-à-vis du Luxembourg une réelle incohérence. Vous encouragez les Lorrains à y travailler, vous financez des projets d’infrastructure pour faciliter le mouvement pendulaire, alors qu’ils vont travailler là-bas dans une économie totalement libéralisée mais qui prospère alors que la notre s’étiole sous les contraintes et la captation des richesses produites par les multiples strates de la gloutonnerie administrative.

Au-delà de cette incohérence, c’est votre maintien dans l’erreur de la nécessaire intégration européenne, vous un ancien partisan du NON que je persiste à ne pas comprendre. Pourtant, chacun peut maintenant se rendre compte des méfaits de la planétarisation des échanges : délocalisation, disparition de l’industrie française, chômage structurel, explosion des inégalités.

Après avoir vidé les caisses de l’Etat et celles des Français, ils vident aujourd’hui nos départements, de leurs emplois au bénéfice d’une Europe marchande ouverte à tous les vents.
A l’échelle de l’Europe la Lorraine ne compte pas, en tant qu’entité territoriale intégré, elle n’est qu’un espace d’un marché européen, un réservoir de main d’œuvre bien formé, une opportunité mercantile et ce n’est que dans le cadre national de la fraternité partagée que la Lorraine peut rester vivante et debout.


3. Le courage de la réindustrialisation

Alors ce qui manque à votre projet, c’est surtout l’ambition de la réindustrialisation. Cet objectif doit être maintenu, a fortiori si l’on développe les infrastructures de transport. Il faut poursuivre et amplifier ce qui a été entrepris avec GECI international, faire de la valeur ajoutée pour que les savoir-faire industriels des travailleurs lorrains trouvent à s’employer. Il faut, de toutes nos forces, soutenir ces filières.

Il y a tout de même un motif de réconfort : dans le fret fluvial (page 14), dans la mise en gabarit container de la ligne Conflans/Hagondange (page 12), nous vous donnons un blanc seing…avec d’autant plus de facilité que dans ces projets, nos amendements au CPER allaient dans le même sens.

Dans la transformation de Louvigny en gare fret, il y a une convergence complète avec nos études. Nous nous en félicitons.

Enfin, dans cette ligne il manque une ambition plus grande encore pour l’aéroport de Metz-Nancy-Lorraine. Nous regrettons que vous n’ayez pas intensifiez les pistes dans le sens d’une meilleure utilisation professionnelle des infrastructures.

Tout au long de l’exigeant chemin pour reconstruire une Lorraine gagnante, nous allons avancer ensemble avec détermination et les lorrains, veulent un engagement fort de l’Etat car ils se méfient des promesses péremptoires comme celles professées aux ouvriers de Gandrange : « Personne ne sera laissé sur le carreau ».

Pour conclure je voudrai vous livrer ainsi qu’à mes collègues un extrait de Victor Hugo qui bien que né à Besançon, se disait « né lorrain » dans son ouvrage « Napoléon le Petit » réédité chez Actes Sud.





« Que peut-il ? Tout !
Qu’a-t-il fait ? Rien !

Avec cette pleine puissance, en huit mois,
Un homme de génie eût changé la face de la France,
De l’Europe, peut-être.

Seulement, voilà il a pris la France et n’en sait rien faire.
Dieu sait pourtant que le Président se démène :
Il fait rage, il touche à tout, il court après les projets ;
Ne pouvant créer, il décrète ;
Il cherche à donner le change sur sa nullité ;
C’est le mouvement perpétuel ;
Mais, hélas, cette roue tourne à vide.

L’homme, qui après sa prise du pouvoir,
A épousé une princesse étrangère, est un carriériste avantageux.
Il aime la gloriole, les paillettes, les grands mots,
Ce qui sonne, ce qui brille, toutes les verroteries du pouvoir.
Il a pour lui l’argent, l’agio, la banque, la Bourse, le coffre-fort.
Il a des caprices, il faut qu’il les satisfasse.

Quand on mesure l’homme et qu’on le trouve si petit,
Et qu’ensuite on mesure le succès et qu’on le trouve énorme,
Il est impossible que l’esprit n’éprouve pas quelque surprise.
On y ajoutera le cynisme car, la France, il la foule aux pieds. »


Toute ressemblance avec une personne existante étant bien entendu fortuite.

Je vous remercie de votre attention.