Dimanche
10
avr 2016
Jamet le dimanche ! PAYS-BAS 1 – HOLLANDE 0
Dominique
Jamet, vice-président de Debout la France depuis 2012 mais également
journaliste depuis... toujours tient chaque semaine sur le site de
Debout la France une chronique où il commente très librement l'actualité
politique.
Un événement s’est produit aux Pays-Bas mercredi
dernier 6 avril, un événement d’une portée si considérable que nos
responsables politiques et médiatiques, dans un premier temps, ou bien
n’en ont pas pris conscience ou bien ont tenté d’en sous-estimer
l’importance et la signification.
De quoi s’agit-il ? Invités sous la forme d’un
referendum d’initiative populaire à approuver ou à rejeter l’accord
d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine de M. Porochenko,
les électeurs ont opposé un « non » franc et massif – 62% des suffrages
exprimés – à ce traité négocié en leur nom mais sans leur aval par les
dirigeants de l’U.E.
L’objet officiel de la consultation était
relativement marginal, mais nul ne pouvait s’y tromper, vu le tour
qu’avait pris la campagne : l’accord entre Kiev et Bruxelles était
l’occasion pour le peuple néerlandais de donner son sentiment sur les
orientations et l’évolution récente de l’Union européenne. En clair,
souhaitait-il ou refusait-il de nouvelles avancées sur la voie du
fédéralisme, et cautionnait-il la politique menée sur le Vieux continent
par les gouvernements nationaux à la remorque du couple franco-allemand
et sous la houlette des institutions supra-nationales de Bruxelles et
Francfort, qu’il s’agisse de l’accueil des migrants, du contrôle des
frontières, des bienfaits de la libre et déloyale concurrence entre les
Etats membres ou du libre-échange sans règles entre l’Europe et le reste
du monde ?
D’un côté, la coalition de tous les partis
« comme il faut » qui gouvernent le pays depuis la deuxième guerre, du
centre gauche au centre droit, prônait le « oui ». De l’autre, ceux
qu’ils qualifient dédaigneusement de « populistes », de gauche, de
droite ou d’ailleurs, et un comité national constitué pour la
circonstance, recommandaient le « non ». Le combat était inégal, perdu
d’avance. Oui, mais c’est le David populaire qui a terrassé le Goliath
institutionnel. La fronde des petits a eu raison de l’invincible
colosse.
Déjà, en 2005, le « non » l’avait emporté aux
Pays-Bas, par un score identique, comme en France, au même moment, avec
55% des suffrages. On sait ce qu’il en était advenu, et que, quelque
temps plus tard, au mépris de la démocratie, ignorant ou plutôt foulant
aux pieds le vote populaire, de gros malins sans scrupules avaient
réintroduit par la fenêtre des petits arrangements entre amis le traité
constitutionnel chassé par la grande porte du suffrage universel.
Qu’en sera-t-il cette fois-ci ? Il importe de
souligner qu’aux termes même de la loi qui en ouvrait la possibilité, le
referendum d’initiative populaire du 6 avril était purement
consultatif. Pourtant, le Premier ministre néerlandais, M. Mark Rutte,
prenant acte de sa défaite, n’a pas caché qu’il lui serait impossible de
ne pas tenir compte de l’ampleur et des implications de la réponse
populaire.
Mais lui en donnera-t-on la permission ? Sitôt
connus les résultats du scrutin, Mme Merkel et à sa suite M. Hollande,
de concert, faisaient savoir qu’ils ne se sentaient liés d’aucune
manière par les résultats de ce vote et qu’ils ne voyaient aucune raison
de ne pas continuer à appliquer l’accord européo-ukrainien. Ce faisant,
la solide chancelière allemande et le chancelant président français
faisaient preuve d’un triple et scandaleux mépris.
Mépris des Pays-Bas : alors que les vingt-huit
Etats membres de l’Union européenne sont censés être tous partenaires à
part entière et à part égale d’une association qui n’est pas fondée sur
les rapports de force mais sur les liens de l’amitié, de l’entente et de
la solidarité, une fois de plus les « grands » prétendent imposer leur
volonté aux « petits ». A supposer même que les Pays-Bas relèvent de
cette catégorie, est-il admissible que Berlin et Paris s’essuient les
pieds sur le paillasson de leur referendum ?
Mépris du droit : l’accord rejeté le 6 avril
comporte un volet commercial et un volet politique. Dès lors, serait-il,
comme c’est le cas, ratifié par les Parlements et les gouvernements de
vingt-sept pays, il ne saurait entrer en vigueur que sur la base d’une
unanimité qui n’existe pas.
Mépris du peuple : si populaires qu’ils soient
( ?) ou qu’ils feignent d’être, M. Hollande et Mme Merkel auraient-ils
oublié qu’ils ne tiennent leur pouvoir que du suffrage universel, seule
source de légitimité démocratique. Ignorer ou bafouer le vœu du peuple
néerlandais, ce n’est pas seulement faire preuve d’arrogance et de
cynisme, c’est saper les bases du système dont on est issu, et c’est
illustrer une fois de plus le décalage et le fossé qui ne cessent de se
creuser entre les peuples et ceux qui sont supposés les représenter.
L’erreur de M. Hollande et de Mme Merkel n’est
pas seulement morale et juridique, elle est politique. Les Néerlandais,
pas plus que les Français, ne sont pas subitement devenus xénophobes ou
europhobes. Ils aspirent seulement à recouvrer une autonomie perdue, à
reprendre en main leur destin, à voir leurs légitimes intérêts nationaux
défendus par leur gouvernement et les mandataires respecter leurs
mandants. Est-ce trop demander ? Le referendum néerlandais du 6 avril, à
cent jours du referendum britannique, sonne le glas des illusions, des
utopies et des impostures, il est un nouveau signal du réveil des
peuples.
Dominique Jamet
Vice-Président de Debout La France