Dimanche
17
avr 2016
Jamet le dimanche ! - La grande vacance
Jamet le dimanche !
LA GRANDE VACANCE
Dominique Jamet, vice-président de Debout la
France depuis 2012 mais également journaliste depuis... toujours tient
chaque semaine sur le site de Debout la France une chronique où il
commente très librement l'actualité politique.
Nous l’avait-on assez dit, nous l’avait-on assez
seriné… Annoncée à son de trompe comme l’événement de l’année,
méticuleusement préparée par ses organisateurs et par leur invité dans
une très étroite collaboration, ce devait être l’émission de la dernière
chance, l’ultime occasion pour le président de la République en
fonction, faute d’avoir réussi à inverser la courbe du chômage, de
redresser celle de sa popularité.
De fait, jeudi dernier, François Hollande a eu
tout loisir d’exposer et de détailler le bilan de ses quatre années, de
présenter et de préciser ses intentions pour la suite et la fin de son
quinquennat, de défendre sa personne et sa politique. Il a posé un
diagnostic : « la France va mieux », annoncé son programme : « réformer,
encore réformer, jusqu’à la dernière minute », promis qu’il ne
changerait ni de cap ni de gouvernement ni de méthode ni d’ailleurs de
rien d’ici 2017.
L’ennui, pour lui, c’est que les Français ont le
sentiment, solidement étayé, hélas, sur la réalité, que M. Hollande,
comme son prédécesseur, a mis et laissera la France dans un état pire
qu’il l’a trouvée. L’ennui, c’est qu’il ne suffit pas de bricoler dans
la hâte et sous la pression n’importe quelle accumulation de mesures
incohérentes ou insignifiantes pour qu’elles méritent le nom de
« réforme ». L’ennui est que l’opinion finit toujours par percer à jour
ce que cache le mot magique, tantôt potion amère, tantôt sirop
démagogique, tantôt vide sidéral. L’ennui est que les quatre
intervenants sélectionnés pour dialoguer avec le président, en dépit de
la modération et de la courtoisie dont tous les quatre ont fait preuve,
n’ont visiblement pas été convaincus par leur interlocuteur.
Pas plus que les quelque trois millions de
citoyens-téléspectateurs qui, sans trop y croire, avaient choisi de se
brancher sur France 2. Et il ne s’agit pas ici d’une impression mais
d’une impressionnante donnée chiffrée. Menée pour partie du 7 au 9
avril, avant le « Dialogue citoyens » du 14, pour partie les 15 et 16
avril, après l’émission, la traditionnelle enquête d’opinion mensuelle
de l’IFOP pour le Journal du dimanche nous apprend que d’une
semaine sur l’autre le pourcentage des Français satisfaits de M.
Hollande était passé de 15%... à 12%. Comme quoi on peut choisir, en
vieux renard de la politique politicienne, de parler pour ne rien dire
et en payer néanmoins le prix. Les Français ne se sont laissés ni bercer
ni berner par le flux de banalités autosatisfaites sorties de la bouche
présidentielle. Sous le miel lénifiant du discours, ils ont senti et
n’ont pas goûté l’imposture.
Dès le lendemain, un nouvel incident de parcours
mettait en pleine lumière la pétaudière qu’est devenu l’exécutif. A
peine le Premier ministre, cherchant à caresser la jeunesse dans le sens
du poil, avait-il annoncé la surtaxation des CDD, le président,
soucieux de ne pas déchaîner l’ire patronale, se hâtait de faire savoir
qu’il n’en serait rien. Ni l’un ni l’autre, bien entendu, n’y gagnaient
l’estime et l’appui de ceux qu’ils prétendaient séduire. Ainsi va le
paquebot France, sous la direction d’un équipage qui navigue à la
godille et fait des ronds dans l’eau.
Que reste-t-il de ce qui devait être la réforme
historique du droit du travail ? Un méchant petit bout de loi que le
gouvernement et la malheureuse Myriam El Khomri vont traîner encore des
semaines comme un boulet, et c’est à quoi va se réduire d’ici l’Euro de
football et l’été l’activité gouvernementale. Après quoi il ne sera plus
question, à supposer qu’il n’ait pas déjà été en filigrane de
l’émission de jeudi dernier, que du seul sujet auquel s’intéresse le
président : l’élection présidentielle de 2017.
François Hollande se fait-il encore des
illusions ? Il ne fait plus illusion. Comment un président non seulement
récusé par ses adversaires mais massivement désavoué par son propre
camp, et pour la première fois virtuellement battu même par Marine Le
Pen, peut-il encore envisager, à défaut d’être réélu, d’être même
candidat ? Voudrait-il « réformer », où trouverait-il l’énergie,
l’autorité et la majorité pour le faire ? La grande vacance du pouvoir a
commencé. Nous allons vivre une année perdue. Une de plus.
On connaît la méchante blague de Winston Churchill
sur son vieil adversaire travailliste : « Un taxi vide s’arrête.
Clement Attlee en descend. » La chaise de la France est vide, et c’est
M. Hollande qui l’occupe.
Dominique Jamet