Dimanche
15
jan 2017
Jamet le dimanche ! « Vous m’avez vu à l’œuvre »…
Dominique
Jamet, vice-président de Debout la France depuis 2012 mais également
journaliste depuis... toujours tient chaque semaine sur le site de
Debout la France une chronique où il commente très librement l'actualité
politique.
L’un mettait en avant son statut
d’ancien président de la République, les deux autres se prévalaient de
leur stature d’anciens Premiers ministres. Excusez du peu ! Quel
générique ! Faute de pouvoir présenter des titres aussi ronflants, leurs
principaux concurrents, entrés un peu plus tard dans la carrière,
avaient figuré au gouvernement de la France et ne se privaient pas
d’exhiber leurs plus modestes quartiers de noblesse républicaine. Pour
autant, la cause paraissait entendue, et l’issue connue, depuis plus
d’un an. La primaire de la droite (et du Centre) se jouerait entre Alain
Juppé et Nicolas Sarkozy, le maire de Bordeaux en serait finalement le
vainqueur. On sait ce qu’il en est advenu, et que, déjouant tous les
pronostics, un troisième larron renvoyait dos à dos, fin novembre,
dépités, honteux et confus, les deux favoris des commentateurs et des
sondeurs, ces bookmakers des champs de course de la politique.
Les arguments, des
plus classiques, avancés par les deux favoris, semblaient pourtant
irrésistibles. « J’ai le niveau », « j’ai l’expérience », « vous me
connaissez », « vous savez de quoi je suis capable », « vous m’avez vu à
l’œuvre », proclamaient-ils à l’envi. De fait, ni l’un ni l’autre
n’étaient des perdreaux de la décennie, l’un et l’autre avaient gravi
une à une les marches du pouvoir, l’un et l’autre avaient réuni sur
leur candidature, outre des listes impressionnantes d’anciens ministres,
les parrainages requis d’élus nationaux, locaux, de cadres et de
militants… Bref, les deux hommes ne souffraient assurément ni d’un
déficit de notoriété, ni d’un manque de moyens, ni de l’absence de
relais médiatiques, les deux étaient manifestement faits de l’étoffe
râpée dans laquelle, ces vingt dernières années, nos trois derniers
chefs de l’Etat se sont taillé des costumes trop grands pour eux. Alors,
que s’est-il passé, que se passe-t-il ? Pourquoi ce qui devait être
n’a-t-il pas été, pourquoi ce qui était exclu s’est-il réalisé ?
Pourquoi les vieilles recettes mitonnées dans les arrière-cuisines et
les casseroles vert-de-grisées des anciens partis ne marchent-elles
plus?
Parce que les
électeurs, en France comme ailleurs, ont cessé d’être ces innocents, ces
alouettes qui donnaient dans tous les miroirs, ces gogos qui avalaient
tous les boniments. Parce qu’ils ne croient plus aux promesses tant de
fois trahies, parce qu’ils ne se laissent plus prendre aux leurres des
fausses alternances, parce qu’ils ont repris conscience de la
toute-puissance de l’arme absolue, de ce méchant morceau de papier, de
cet humble bulletin de vote que la démocratie, à de trop rares
intervalles, leur met entre les mains, parce qu’ils ne sont pas
insensibles aux bouleversements du monde qui les entoure. Le vent de
l’histoire qui souffle en tempête a balayé comme des fétus Cameron,
Renzi, Hillary Clinton, l’appartenance de la Grande-Bretagne à l’Union
européenne. Ce vent ne s’arrête pas aux frontières de l’hexagone, il
peut emporter ici comme ailleurs les plus notables, les mieux installés,
les plus persuadés que le présent n’est que la continuation du passé
sous d’autres appellations et qu’il faut, n’est-ce pas, toujours parler
de changement pour ne jamais le faire…
Sous le coup du
résultat de la primaire, les analystes professionnels de la politique,
comme d’habitude, n’ont pas immédiatement compris sa signification. Six
semaines ont passé, et les yeux se sont ouverts. Chacun admet
aujourd’hui que le succès spectaculaire et imprévu de François Fillon,
vainqueur par défaut d’une élection partielle, ne lui garantit en aucun
cas la victoire en avril et mai prochains. Les causes de l’étrange et
humiliante défaite de MM. Sarkozy et Juppé n’ont pas disparu, bien au
contraire. Elles crèvent les yeux. A ceux qui disent qu’ils sont forts
de leur expérience, qu’ils ont démontré de quoi ils étaient capables,
qu’ils sont prêts à nous faire le don de leurs personnes, l’écho répond
qu’on ne sait que trop ce que nous a coûté leur expérience, qu’on ne
sait que trop à quel point ils sont incapables, qu’on ne les connaît que
trop, qu’on ne les a que trop vus. Confier ce qu’il nous reste
d’économies à ceux qui ont jeté notre argent par les fenêtres, remettre
les clés de la maison à ceux qui l’ont saccagée, donner une nouvelle
chance à des récidivistes ? Il y a des limites à la naïveté, des bornes
à l’amnésie et si nous faisions cette faute, nous serions complices
avant d’être victimes.
François Hollande,
qui s’est révélé dans l’action un canard boiteux, n’en est pas moins un
vieux renard de la tactique politicienne. Il a compris que dans le
climat du moment, être sortant n’est pas un avantage mais un handicap.
Il en a tardivement mais clairement tiré les conséquences. François
Fillon ou Manuel Vall s’aperçoivent à leur tour qu’ils risquent de faire
les frais de leur passé. D’où le zèle dont on ne saurait dire s’il est
plus impudent que maladroit ou l’inverse, avec lequel ils cherchent à
l’effacer, voire à le renier. C’est à peine si le premier se souvient
encore d’avoir été cinq ans durant le Premier ministre soumis d’un
président impopulaire. Quant au second, chef du gouvernement il y a
encore un mois, et depuis deux ans et demi, il nous révèle que les
nombreuses erreurs qui lui sont imputées lui ont été imposées. Au reste,
pourquoi aller chercher des poux dans la crinière d’un lion ? Ils ont
changé. Le faux dur était un vrai mou, le faux mou était un vrai dur. Où
l’on croyait avoir affaire à M. Queuille rugit un nouveau Winston
Churchill. Le disciple de Clemenceau s’est réincarné en émule de Guy
Mollet. Ils ont changé, vous dis-je. Ils ne sont pas, ils ne sont plus
ce que nous croyions. La preuve ? Ils s’en prennent avec violence à l’
« Establishment », ils défient le « microcosme ». Pauvres mots qui se
laissent proférer et qui ne peuvent ni protester ni se tordre de rire
lorsque ceux qui sont les prpdiots et les promoteurs de la plus vieille
des politiques dénoncent le « système ». Système, système…il y a un bon
moment qu’ils nous tapent sur le système.