Dimanche
22
jan 2017
Jamet le dimanche ! - Faire avec
Jamet le dimanche !
FAIRE AVEC
Dominique Jamet, vice-président de Debout la France depuis 2012
mais également journaliste depuis... toujours tient chaque semaine sur
le site de Debout la France une chronique où il commente très librement
l'actualité politique.
Eh oui, il va falloir faire avec. Ce ne sera pas
facile. Donald Trump ne nous fera aucun cadeau. Ce n’est ni dans son
caractère ni dans ses habitudes. Au demeurant, le quarante-cinquième
président des Etats-Unis se targue de ne respecter que la force, et la
France, à ses yeux, est un maillon particulièrement faible du monde
occidental. Comme si ces deux raisons ne suffisaient pas, les dirigeants
actuels de notre pays – si peu dirigeants, et pour si peu de temps
encore – ont fait preuve d’une légèreté irresponsable à l’occasion de
l’élection présidentielle américaine. En affichant lourdement leur
préférence pour la candidate démocrate, le président de la République,
son Premier ministre de l’époque et bien sûr notre ambassadeur à
Washington ont commis la double faute de s’ingérer dans les affaires
intérieures d’un pays tiers, sans être en mesure d’influer sur celui-ci.
Au mépris de toutes les règles de la diplomatie et de ce que doivent
être les rapports entre Etats, sans tenir aucun compte d’une campagne
qui voyait un outsider farfelu se muer en favori et laissait présager
son éventuelle victoire, ils se sont laissés aveugler par leurs
préférences personnelles, ils ont tenu à rendre celles-ci publiques, ils
se sont comportés en petits joueurs, puis en mauvais joueurs. Il n’est
pas surprenant que M. Trump, que l’on dit rancunier, voire vindicatif,
ait affecté ces derniers temps de rayer notre pays, sinon de la carte du
monde, au moins de son carnet d’adresses. Il reviendra aux successeurs
de MM. Hollande et Valls de réparer la bévue de leurs maladroits
prédécesseurs. La vieille alliance franco-américaine devrait survivre à
cette médiocre péripétie, comme à d’autres.
Qu’on ne compte pas pour autant sur la moindre
faveur ou la moindre faiblesse à notre égard de la part de nos nouveaux
partenaires d’outre-Atlantique. Les négociations commerciales qui
s’engageront entre les Etats-Unis et le reste du monde seront âpres et
dominées, du côté nord-américain, par la volonté d’ériger de hautes
barrières à l’abri desquelles devrait se reconstituer un tissu
industriel mis à mal ces dernières années. Dans ce domaine, nous avons
les avantages de nos inconvénients. Moins impliqués que la Chine, moins
exportateurs que l’Allemagne, moins dépendants que l’est le malheureux
Mexique de son trop puissant voisin, nous avons aussi moins à perdre
dans le virage protectionniste que s’apprête à négocier l’Amérique de M.
Trump.
Dans le domaine des relations internationales,
certaines des intentions proclamées par celui-ci ne laissent pas de
préoccuper. Comment la Chine dont l’instable équilibre repose sur la
coexistence entre l’implacable dictature du Parti unique et les
facilités consenties à l’activisme capitaliste le plus débridé
réagira-t-elle à une politique de fermeture et de fermeté qui pourrait
mettre simultanément en danger son système de gouvernement et sa
prospérité ? Deuxième motif d’inquiétude : la volonté réaffirmée par M.
Trump de revenir avec les accords, si longuement et difficilement
négociés avec l’Iran, qui ont réintégré la République islamique dans le
concert des nations. Troisième front, et le plus brûlant : le tropisme
pro-israélien du milliardaire, de son entourage, de sa famille même
s’est concrétisé par l’annonce du déplacement de l’ambassade américaine à
Jérusalem. Cette décision serait l’équivalent d’un feu vert à la
colonisation, donc à l’annexion rampante de la Cisjordanie par l’Etat
hébreu, elle signifierait l’abandon d’une solution à deux Etats, des
accords d’Oslo, de l’espoir d’un apaisement, elle ferait l’effet d’un
chiffon rouge sur le monde musulman, qui n’en a pas besoin.
A l’inverse, la constitution d’une coalition
effective entre les Etats-Unis, la Russie, la Turquie – et l’Iran !-
pour régler militairement son compte à Daech et mettre un terme à
l’interminable conflit qui ravage la Syrie et l’Irak respectivement
depuis des années et des décennies traduirait le renoncement des
Etats-Unis à la si néfaste politique à double face menée au Moyen-Orient
par George W.Bush et reconduite par Barack Obama.
Dans le même ordre d’idées, les déclarations
retentissantes de Donald Trump sur l’OTAN semblent préluder à une
révision totale de l’attitude des Etats-Unis vis-à-vis de la Russie et
font lever un immense espoir.
Fondée il y a plus de soixante ans sous l’égide
des Etats-Unis pour fédérer les démocraties occidentales face à la
menace que représentaient le bloc soviétique et l’expansionnisme
russo-communiste, l’Alliance atlantique n’apparaissait plus depuis des
années que comme l’instrument et la manifestation de l’hégémonisme
nord-américain, de Kiev et d’Istanbul à San Francisco. Comment les
dirigeants européens pouvaient-ils être dupes ou complices de la
super-puissance qui se voulait le gendarme du monde au point de voir et
de dénoncer dans la Russie de Poutine l’héritière et l’exécutrice
testamentaire des rêves impérialistes de Staline ? Quel sens mais aussi
quelle crédibilité pouvait encore conserver une alliance
politico-militaire dont tous les membres s’étaient mis dans l’absolue
dépendance d’un seul et abritaient leur mollesse et leur démission sous
l’ombre d’un parapluie étranger ? Si les Etats et les peuples d’Europe
veulent continuer à vivre, et à vivre libres, dans un monde qui n’est
pas moins dangereux en ce siècle qu’aux siècles passés, à qui d’autre
qu’à eux-mêmes doivent-ils s’en remettre de leur défense ? L’éventuelle
dislocation de l’OTAN amènerait chacun à prendre enfin conscience que la
France, seule au sein de l’Union européenne, doit d’avoir les moyens
de son indépendance à la volonté visionnaire de l’homme d’Etat qui les
lui a légués. C’est une leçon.
Quoi que l’on pense de Donald Trump, de l’homme,
de ses propos, de son allure, une chose est certaine : l’individu qui
vient d’accéder aux commandes de ce qui est encore la première puissance
économique et militaire de la planète, le nouveau président des
Etats-Unis, n’entend se laisser guider que par une seule considération :
celle de l’intérêt des Etats-Unis. Intelligent, élégant, séduisant,
brillant, Barack Obama, en tant que personne, ne laisse derrière lui que
des regrets. En tant que président, c’est une autre affaire. Les
quelque cent millions d’électeurs qui ont porté Donald Trump au pouvoir
ont en commun avec le nouveau président l’amour de leur grande nation et
le refus de son déclin. C’est une deuxième leçon.